Cet article n’est pas en odorama et forcément il va perdre de sa saveur, non, de son fumet, non, de son parfum.
Sur l’appli du smartphone le soleil radieux m’indique que bien que je sois à l’ombre il fait 31°, donc je ne vous dis pas les odeurs qui flottent, euh, stagnent dans l’air. Bref le remplacent. Mais nous sommes là une petite vingtaine de badauds pour visiter la step (station d’épuration des eaux usées) de Montceau les mines.
C’est la Communauté Urbaine Creusot-Montceau qui organise, dans le cadre de la semaine du développement durable, cette visite avec le concours du concessionnaire Veolia. Pour la CCM notre cicérone s’appelle Brice Le Disloquer, directeur du service eau et assainissement. Pour Veolia Il s’agit de Pascal Malaty, responsable Saône et Loire, dont toutes les stations CCM et quelques installations industrielles.
Après les odeurs, la chaleur ce qui surprend c’est le bruit. Ça n’arrête pas de ronronner, claquer, grincer, souffler, glouglouter.
A l’ombre Brice Le Disloquer explique l’assainissement, sa règlementation, la différence entre assainissement collectif et individuel.
L’assainissement a pour objectif de protéger la santé et la salubrité publiques, ainsi que l’environnement, contre les risques liés aux rejets des eaux usées (contenant des polluants, essentiellement matière organique, azote et phosphore) des habitations et des eaux pluviales.
En fonction de la densité de l’habitat et des constructions, l’assainissement peut être collectif ou non collectif.
Les communes ou les groupements de communes ont la responsabilité de l’assainissement collectif et du contrôle de l’assainissement non collectif sur leur territoire. (SPANC). Pour la CCM c’est dévolu au concessionnaire de contrôler le SPANC.
Le traitement des eaux usées se fait ici par boues activées.
Ces boues sont produites à hauteur de 7000 tonnes par an et ensuite, dans le cadre d’un plan d’épandage contrôlé par la Chambre d’agriculture, épandue dans les exploitations répertoriées (pâturages et céréales uniquement). Pour cela elles sont contrôlées lors de leur fabrication, seul moment de la chaine de traitement des eaux usées où l’on utilise de la chimie, pendant leur stockage, leur épandage et pendant les trois ans suivants. La terre qui les a intégrées est elle aussi contrôlée.
Attention ces boues ne sont pas produites qu’avec les seules eaux usées des Montcelliens. Que nenni, nous recevons des renforts des stations de Blanzy, Gourdon, Saint Vallier, Sanvignes. Mais pourquoi ne traitent ils pas leurs boues ? Trois raisons à ça : économique parce que plus le volume est important moins le prix de revient est élevé. (4 fois moins que si l’on traitait dans chaque autre STEP), sanitaire et homogénéité des produits finis, technique au niveau du plan d’épandage avec un seul opérateur offrant un seul produit fini.
7000 tonnes de boues ça veut dire beaucoup d’eaux usées traitées. Mais combien ?
Sortons nos statistiques :
- Bassin de 35 000 habitants
- 8 800 m3 jour (soit 251 L/J/habitant) ce qui donne 510m3/H sur un fonctionnement moyen de 17H.
- 3 212 000 m3/an soit 97m3/an/habitant
- Longueur du réseau 110 Km, 16 Pompages, 110 Trop pleins, 42 points surveillés.
C’est quoi ces 110 trop pleins ? Lorsqu’il pleut plus de 15mm par jour le volume d’eau transitant dans les canalisations passe de 8 800m3 à 16 000m3, pour éviter de tout faire sauter et que les eaux remontent par la mise en charge dans les maisons reliées au réseau, il existe des Trop pleins qui jouent le rôle de by-pass et déchargent dans la nature des eaux mixtes. Le problème provient du réseau public unitaire (les réseaux domestiques se raccordant sont très souvent aussi). Pour éviter ces mises en charge excessives et l’arrivée au STEP d’eau mixte (ce qui nuit ou arrête leur traitement) il faut remplacer l’unitaire par de séparatif.
Ainsi les eaux d’écoulement, les résurgences phréatiques ne viendraient plus à la STEP
Ces trop pleins sont surveillés, certains sont équipés de capteurs qui calculent les quantités d’eau et les niveaux de pollution. Les services de la CCM travaillent sur un plan pluriannuel de résorption des ces points noirs.
Donc 3 212 000 M3 par an à traiter, oui, mais comment ? Vous vous posez aussi la question.
Biologiquement et non pas physico chimiquement. C’est bien, c’est mieux, c’est plus écologique.
Quizz express : saviez vous que la station de Torcy est la plus grosse de Saône et Loire, Non ? Vous le savez maintenant.
Brice Le Disloquer est un passionné, il sait être passionnant aussi. En plus de répondre aux dizaines de question des visiteurs il pousse la pédagogie jusqu’à expliquer le réseau hydrographique de notre région.
La Bourbince se jette dans l’Arroux qui se marie à la Loire qui mêle ainsi un peu de bourgogne à l’océan atlantique. Mais allez à Ecuisses (si allez y une fois), la Dheune elle va à l’atlantique ? Que nenni, elle souffre d’héliotropisme et donc elle mélange ses eaux à celle de la Saône à Allerey sur Saône pour gagner le Rhône (bonjour la vallée de la chimie) afin de descendre jusqu’à la méditerranée.
Notre réseau hydrographique est en fin de compte assujetti au service du canal du centre qui relie Saône et Loire et ainsi irrigue une grande partie de la France c’est pour cela que les traitements des eaux usées doivent être au top du top. Vous vous souvenez de la STEP de Torcy qui est la plus importante du département ? Oui, et bien elle forme en fait l’essentiel du débit de la Bourbince. Et les pécheurs pourront vous dire que les eaux sont bonnes et même que, selon la fédération, les populations d’ablettes et de gardons sont en accroissement notable.
Donc un bon traitement, donc de bons rejets et dans ce domaine la STEP de Montceau est, d’après le directeur du service eau et assainissement de la CCM, au top et dit-il meilleure que celle de Paray en ce qui concerne l’élimination du phosphore (vous savez ce truc qui cause la prolifération des algues). L’an passé les rejets titraient 0,2mg/L de phosphore et cette année 0,1mg/L. La règle c’est 80% d’élimination, ici on frôle les 90%.
Le traitement primaire permet le dégrillage et le dessablage. Le traitement secondaire sert à l’éliminer des composés carbonés présents sous forme soluble tels que sucres, graisses, protéines, etc. au moyen de bactéries qui utilisent la matière organique comme source de carbone et d’énergie. Ces bestioles gloutonnes nous font du double action :
• Elimination sous forme gazeuse de la matière organique avec production de CO2 dans les procédés aérobies utilisés à Montceau
• Création de boues à partir des particules solides, constituées de micro-organismes issus de la multiplication bactérienne, séparées de la phase liquide par des moyens physico-chimiques et par passage en filtre-presse.
C’est quoi aérobie ? Ouvrez votre Larousse page A :
« Aérobie : se dit de micro-organismes qui se multiplient en présence d’oxygène. Se dit de l’ensemble des réactions chimiques d’un organisme se produisant en présence d’oxygène. »
Donc on demande à des bestioles sous oxygène de boulotter nos saletés et d’en faire des boues pour que l’on puisse rejeter des eaux propres. L’homme est sadique, donc pour faire fonctionner le truc, on gave les bestioles d’oxygène alors elles se multiplient. Et là pan sur le bec on réduit l’oxygène en brassant plus de matière. Du coup elles se vengent en boulottant jusqu’à plus faim. Bon c’est un peu simpliste mais grosso modo c’est quand même ça.
Plus d’une heure et demi de visite, les visiteurs ont l’air contents, parfumés mais contents, plus bronzés aussi.
Mais cette visite est une bonne initiative.
Gilles Desnoix